Effet de serre-vitude

J’aurais pu voyager des années durant. J’aurais pu lire davantage, à temps perdu. J’aurais pu être pèlerin. J’aurais pu écrire des mémoires, battre des records, devenir athlète, répertorier le nombre moyen de marches des escaliers montréalais. J’aurais pu m’improviser chauffeur de taxi et écouter les gens parler en toute béatitude. J’aurais pu faire mille métiers déjà. J’aurais dont dû, j’lai pas su.

J’ai étudié, et puis. J’ai travaillé, aussi.

J’aurais pu flâner davantage. Pas le temps de niaiser, qu’il disait, l’autre, à ce qui paraît. À lui, on lui a pardonné, il ne sait pas ce qu’il fait.

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La nouvelle est venue comme un cheveu sur la soupe. Assez inattendue, cette timide décision d’Agnès Maltais de revoir la Loi sur l’aide aux personnes et aux familles… pour «stimuler l’emploi». À elle, on lui a moins pardonné. Annoncée dans la Gazette officielle du Québec, la modification de trois clauses serait effective dès juin, à en croire les quelques paragraphes rédigés par la ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale. Entre autres choses, on compte hausser l’âge minimal pour les futurs célibataires admissibles de 55 à 58 ans.

Aussitôt la bombe à retardement lancée, les réactions n’ont, finalement, vraiment pas tardé. Les principaux concernés ont déploré n’avoir jamais été prévenus. Ce sont des coupes dans l’aide sociale qu’on essaie de faire passer pour des mesures d’insertion à l’emploi, qu’ils ont décrié. Et la ministre de se défendre que ce ne sont pas des coupures dans l’assistance sociale, puisqu’on parle de deux dossiers différents. Ah oui? Alors on pourrait sans doute dire la même chose du lien que fait systématiquement le Parti québécois entre les critères d’admissibilité aux prestations et l’incitation à l’emploi. Aucune étude ne prouve qu’il y a corrélation. Sauf tout le respect que je dois à l’élue, Agnès Maltais répond qu’elle en connaît, ELLE, des gens de 55 ans qui seront «ravis» de retourner sur le marché du travail. Oh, ben dans ce cas, arrêtez les trompettes les manifs et tout ce cirque, pas vrai?

Le cirque justement, ce n’est pas plus d’aller faire le fou du roi à Ottawa pour critiquer la réforme fédérale de l’assuranceemploi? Sir Harper doit bien se tordre de rire. C’est drôle, on dirait qu’ils se sont parlés, ces deux-là. «Eille Steve, check ben ça, je vais aller chialer contre ta réforme, parce que c’est ce à quoi les gens s’attendent de moi! Cheers

De plus en plus, les politiciens rendent des décisions comme ils jetteraient de la chair au lion, et ils observent ensuite si l’arène a gobé. Au passage, des journalistes attrapent au vol et relaient la nouvelles à ceux qui n’auraient pas pu assister au spectacle. Du pain et des jeux, c’est vieux comme concept. Bravo pour le tour de maître, toréador.

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À 55 ans, je me réfugie sur une ferme et je baratte mon beurre. Célibataire ou pas, prestataire ou pas. Et puis, entre vous et moi, on sait ben, les jeunes, on les fait travailler comme des bêtes et après ils sont brulés. Mais ce n’est pas grave, ça fait partie de la joute, après on investit dans la Santé et puis c’est réglé.

Après on va dire qu’il y a un fossé entre les générations. Pourtant, ce gouvernement, tout comme son prédécesseur, se plaît bien à le creuser quand ça l’arrange, le fossé. Les jeunes se plaignent d’avoir à travailler pour payer la retraite des aînés par-ci. Les vieux ne veulent pas payer pour la grève des jeunes par-là. Quelqu’un va-t-il me dire qui, mais QUI a dit ça? La majorité silencieuse, surement.

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Pour toutes considérations de compressions budgétaires, allez lire La Presse pis laissez-moi tranquille.

 

Émilie Bergeron
Chef de pupitre société
société.campus@uqam.ca

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