Un arc-en-ciel divisé

La communauté LGBT semble faire front commun dans le débat du mariage gai. Tout n’est pourtant pas noir ou blanc. Au Québec, s’ils sont dispersés dans l’éventail d’organismes, les opposants sont bien là.

Voix forte mais posée, Michelle Issa, homosexuelle affirmée et consultante en organisation d’évènements pour la Ville de Montréal, se positionne clairement sur la question controversée du mariage homosexuel. «Le mariage n’a jamais été une option pour moi et ne le sera jamais», affirme-t-elle d’emblée. Plusieurs membres de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre (LGBT) du Québec sont, comme Michelle Issa, sceptiques face à la pertinence de permettre le mariage entre couples du même sexe. Ceux-ci perçoivent la légalisation du mariage gai comme un symbole plutôt qu’un réel besoin.

Il s’agit d’une question épineuse où tous devraient être en mesure de décider par eux-mêmes ce qui leur convient le mieux, aux yeux de Michelle Issa. La consultante n’est pas la seule à tenir ce genre de discours. «Je connais plusieurs personnes homosexuelles qui sont contre le mariage en général mais également contre le mariage gai tout court», explique le directeur général du Conseil Québécois  de la communauté lesbienne, gaie, bisexuelle et transgenre (CQLGBT), Steve Foster. Depuis qu’il a créé son organisme, en 1993, il a remarqué des divergences de points de vue parmi ses collègues. Pour lui, il est important de rester uni sur la question. «Quelques personnes du Conseil étaient également contre le mariage, rappelle-t-il. Par contre, nous étions conscients qu’il fallait tous se rallier pour défendre la notion fondamentale d’égalité de droit». Son organisme veille entre autres à la défense commune des droits des personnes gaies et lesbiennes au sein du système judiciaire québécois.

De son côté, Michelle Issa reste ferme sur sa position. En couple depuis près de 16 ans avec sa compagne, elle ne ménage pas ses mots lorsqu’il est question de mariage. «Le mariage est une institution rétrograde basée sur des valeurs dépassées». Selon elle, l’enjeu principal n’est pas de se positionner pour ou contre le mariage gai, mais plutôt de remettre en question la place dogmatique attribuée à l’institution du mariage depuis toujours.

Juste titre

Au sens juridique, la lutte pour la légalisation du mariage gai est comparable à bien d’autres débats, selon le directeur du CQLBGT, Steve Foster. «On pourrait facilement le mettre en parallèle avec des luttes comme le droit de vote des femmes ou encore celles pour l’égalité des Noirs aux États-Unis.» Le projet de loi C-38, qui permet aux personnes du même sexe d’accéder au mariage civil a été adopté le 28 juin 2005 par le gouvernement fédéral.  Le Québec était déjà allé de l’avant en 2004, devenant ainsi l’un des précurseurs en matière de la légalisation d’union entre personnes du même sexe après la Belgique, les Pays-Bas et l’Espagne. Le gouvernement canadien tarde toutefois à clarifier sa loi sur le mariage civil, sur les cas de divorces notamment. Le cas de deux lesbiennes étrangères mariées à Toronto voulant divorcer a ravivé le débat en janvier 2012. La Cour supérieure d’Ontario a jusqu’ici opté en faveur du divorce pour les homosexuels étrangers.

Même si elle assume pleinement son opinion, Michelle Issa respecte le combat de ceux qui veulent faire légaliser le mariage gai. «Ce n’est pas parce que je suis contre que je vais nécessairement accepter de brimer la liberté de ceux qui y adhèrent», souligne-t-elle. Pour elle, ce droit est tout à fait légitime, peu importe l’orientation sexuelle de la personne. «Certaines personnes, qu’elles soient homosexuelles ou hétérosexuelles, rêvent de se marier, de fonder une famille et de vivre pleinement une vie de foyer, poursuit la consultante. Tant mieux si une loi appliquée à tous pourra désormais le leur permettre». Pour Michelle Issa, cette possibilité constitue le seul point positif  d’un tel débat  pour les membres de la communauté LGBT.

Au Québec, les dissidences au sein de la communauté homosexuelle ne suscitent pas de flammèches aussi vives qu’en France. Partagés entre considérations individuelles et lutte collective, ils unissent leur voix.

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Une page Tumblr pas comme les autres

Plusieurs autres dissidences existent au sein de la communauté LGBT. À titre d’exemple, la page Tumblr Privilège Hétéro dénonce les discriminations présentes parmi les homosexuels. Créé au début de l’année 2013, le site expose les différentes hiérarchies qui existent entre homosexuels; soit entre ceux à l’allure plus masculine et ceux à l’allure plus efféminée. Son créateur est un jeune Rimouskois de 19 ans qui a été victime de ce genre de comportements.

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En chiffres

En 2006, Statistique Canada dénombrait plus de 45 300 couples homosexuels au Québec. Du côté de l’international, plus d’une douzaine de pays ont légalisé le mariage entre personnes du même sexe. Le premier pays à avoir ouvert la voie sont les Pays-Bas, en 2001. La France a tout dernièrement adopté la loi autorisant le mariage et l’adoption pour les couples homosexuels. De nombreuses manifestations «pour» et «contre» sévissent dans les rues de Paris depuis le début de l’année.

Photo: Flickr

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