Mission diplomatique

Alors que les opinions sur le financement des universités restent polarisées en vue du Sommet sur l’enseignement supérieur, Pierre Duchesne fait part des défis qui l’attendent.

«Si je ressens de la pression ? C’est un euphémisme, je ressens beaucoup de pression !» lance le ministre Pierre Duchesne au bout du fil, lors d’un de ses nombreux déplacements entre Montréal et Québec. Depuis son assermen- tation le 19 septembre dernier, il accorde toute son attention au Sommet sur l’enseignement supérieur des 25 et 26 février et dont l’objectif est de trouver un compromis à l’épineuse question du financement des universités québécoises. Le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche, de la Science et de la Technologie ne dément pas les défis qui l’attendent à la tête de ce nouveau ministère. Plus que jamais, l’heure est aux compromis.

Depuis son ascension au pouvoir le 4 septembre dernier, le Parti québécois (PQ) se targue de faire preuve d’ouverture et de transparence. Les compressions de 124 M$ dans le budget des universités, annoncées en décembre, sont toutefois devenues une pomme de discorde chez les intervenants du milieu universitaire. Le clan étudiant, particulièrement l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (ASSE), remet en doute la bonne volonté du gouvernement sur la question de l’enseignement supérieur. «Ça a été une grande surprise, affirme la secrétaire aux relations internes de l’ASSE, Jeanne Reynolds. C’est une décision qui a été prise en cachette, alors que le PQ se disait de bonne foi.» La Fédération universitaire du Québec (FEUQ) a elle aussi été refroidie par cette annonce. Sa présidente, Martine Desjardins, croit que la décision de diminuer le budget des universités est questionnable. «On aurait pu trouver une autre façon de sauver cet argent, avance-t-elle. Le gouvernement se dit plus ouvert, mais on n’est pas naïf, on sait qu’il est autour de la table pour faire passer ses lignes.» Les recteurs de plusieurs universités ont aussi manifesté leur mécontentement. Dans une entrevue accordée au Montréal Campus en décembre dernier, l’ancien recteur de l’UQAM Claude Corbo a manifesté sa crainte que l’Université soit très affectée par ces coupures.

Devant de telles réactions, Pierre Duchesne rétorque que le PQ n’avait d’autre choix que d’appliquer ces compressions. Selon lui, le gouvernement Marois a dû composer avec un déficit plus important que prévu et ainsi amputer les budgets de tous les ministères. «J’aurais préféré que le budget soit adopté en mars, après le Sommet, mais il faut respecter la Loi sur l’équilibre budgétaire en 2013-2014. Je n’ai pas choisi ça et ça rend l’exercice plus difficile», admet-il. Le 17 janvier dernier, en marge de la troisième rencontre préparatoire qui s’est tenue à Sherbrooke, le ministre a de nouveau exacerbé les tensions en annonçant des coupures supplémentaires pour l’année prochaine. Les universités verront ainsi leur budget diminuer de 250 M$ en deux ans et le réinvestissement de 1,7 G$ annoncé sera revu à la baisse.

Si Pierre Duchesne accuse l’ancien gouvernement d’avoir créé un climat propice à la méfiance, il concède que le gouvernement Marois n’envisage pas sérieusement la gratuité scolaire réclamée par l’ASSE. «La gratuité, ça coûte cher. On va organiser un sommet, pour que tout le monde puisse exprimer son opinion dans le respect, mais la première ministre a déjà dit qu’il y a un préjugé favorable à une forme d’indexation.» Cette position du gouvernement ne fait pas consensus autour de la table. La majorité du groupe d’intervenants qui se retrouveront au Sommet, composé d’étu- diants, de professeurs, de repré- sentants des universités et de la société civile, se disent en faveur de la gratuité, rapporte Jeanne Reynolds. Si la position du ministre ne fait pas l’unanimité en visant l’indexation, la remise en question du financement des universités réjouit la FEUQ. Au début de son mandat, Pierre Duchesne a refusé de consentir à la thèse émise par la Conférence des recteurs et des principaux des Universités du Québec (CREPUQ) à ce sujet. «Le sous-financement est un concept défini par la CREPUQ. On y a associé un chiffre : 620 M$ annuellement. Je ne voulais pas adhérer à un chiffre émis par une organisation. Il est plus raison- nable de se demander s’il y a du sous-financement, puis d’évaluer la hauteur des besoins financiers des universités.»

Sur la corde raide
L’ouverture au dialogue manifestée par le ministre – et mot d’ordre du gouvernement péquiste – a porté fruit jusqu’à présent. La promesse du Sommet sur l’enseignement supérieur, véritable cheval de bataille de Pauline Marois lors de la dernière élection, a ramené un calme relatif sur les campus universitaires et collégiaux. Néanmoins, Pierre Duchesne ne se dit pas naïf. La présence de tous les intervenants autour de la table n’est pas encore assurée. Bien que le ministre se montre optimiste devant l’importante polarisation des opinions, il est conscient des tensions provenant de tous les côtés. «L’ancien régime libéral a déchiré le tissu social au Québec. On hérite du dossier étudiant dans lequel les intervenants ont des positions très ancrées.»

Une menace de boycott plane d’ailleurs du coté de l’ASSE. Celle-ci décidera de sa présence au Sommet par le biais d’une motion qui sera présentée lors de son congrès les 2 et 3 février prochains. Malgré des tensions bien présentes, Pierre Duchesne continue de croire qu’aucun parti ne souhaite une nouvelle grève au printemps prochain. «Je ne suis pas devin, mais vous pouvez être certain d’une chose, mon équipe et moi allons nous assurer qu’on n’ait pas à en arriver là.» Le ministre voue un grand respect au mouvement étudiant du printemps dernier. S’il louange les legs de la grève tels que le taux de participation accru des jeunes aux dernières élections et la politisation de la jeunesse, il croit maintenant que la table est mise pour une discussion.

Le 4 septembre dernier, l’ancien journaliste de Radio-Canada a été élu député de la circonscription de Borduas, un saut qui a été vivement critiqué par les partis d’opposition. Celui qui a œuvré à la société d’État pendant 25 ans assure que son expé- rience journalistique lui servira dans ses nouvelles fonctions de ministre. «Quand vous êtes journaliste, il ne faut pas avoir peur d’aller voir les gens et de leur serrer la main, avance-t-il. C’est la même chose en tant qu’élu. Mon métier de journaliste m’aura appris à dialoguer.» Si Martine Desjardins dit percevoir davantage d’ouverture au dialogue chez Pierre Duchesne que chez ses prédécesseurs, les qua- lités de négociation du ministre seront mises à rude épreuve lors du Sommet, où un compromis sera indispensable.

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