Se délivrer du Mal. Amen?

Le reniement de soi, Larry Tremblay connaît bien. Le thème est récurrent dans ses pièces de théâtre, comme dans The Dragonfly of Chicoutimi (1995) où le protagoniste oublie sa langue maternelle pour finir par s’oublier lui-même. Dans Le Christ obèse, Tremblay laisse les côtés cours et jardin et aborde le déni d’un homme par le truchement du roman. Le Christ obèse est un petit catéchisme sur les limites du Bien et du Mal et jusqu’où se trouve la frontière de la désacralisation d’un être.

Le récit débute par le sauvetage d’une femme, victime d’un viol terrible, par Edgar, homme vivant seul à la suite du décès de sa mère. Il emmène la jeune femme chez lui et décide de se dévouer corps et âme pour la secourir. C’est en la déshabillant pour la laver dans une baignoire au rôle purificateur qu’il découvre qu’elle est en fait un homme. Une relation d’adoration frisant le fanatisme se développera entre Edgar et l’homme qu’il rebaptisera Jean, en mémoire du Pape préféré de sa défunte mère. Rachitique et blessé jusqu’au plus profond de sa chair, Jean devient l’emblème d’un sauveur, un Christ protecteur, mais destructeur à la fois. Edgar tiendra prisonnier celui qu’il a sauvé des eaux, et le vénèrera dans l’opulence de la nourriture et des prières à en perdre sa propre identité.

L’histoire dérange et met mal à l’aise. En cela, le but est atteint. Les symboles religieux affluent et sont intéressants à analyser malgré tout, à l’instar de la réflexion sur une cohabitation fusionnelle envers et contre tous. Il manque néanmoins une profondeur, une dimension dramatique intense qui habiterait le lecteur pendant la lecture et après. Le livre est troublant et bien construit certes, mais sans plus.

Larry Tremblay offre toutefois la démonstration qu’il sait raconter en jouant avec le suspense jusqu’à la lie. Le lecteur est envoûté, fasciné par la liaison mystique entre les deux hommes. Avec quelques « Notre Père… » en toile de fond, l’auteur nous entraine dans une parabole contemporaine lourde de sens, mais qui ne rend pas justice à son talent de dramaturge.

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