Portrait d’une société divisée

Avec Les lignes du désir, Emmanuel Kattan nous offre un deuxième récit vibrant qui s’articule sur fond de conflit israélien. Plusieurs quêtes s’y entremêlent, mais c’est la tragédie identitaire de Sara, juive et musulmane à la fois, qui sert de fil conducteur à cette histoire qui rend avec réalisme l’impact humain que peuvent avoir les conflits qui agitent les sociétés polarisées.

Née à Montréal, Sara choisit de poursuivre ses études en architecture à Jérusalem. Son exil poussera son père à traverser l’océan et entamer ce qui deviendra un pèlerinage.

Habilement racontée, l’histoire se développe en deux temps; le journal intime du passé de Sara entrecoupe le récit présent de l’enquête de son père. Cette dualité des points de vue permet de mieux cerner la complexité des liens qui unissent les personnages.

Kattan aborde les relations père-fille avec justesse et explore délicatement en quoi consiste la foi. Le journal intime de Sara livre de profondes réflexions à travers lesquelles toute l’incertitude d’une jeune adulte s’exprime adroitement. Truffées de citations inspirantes, les pages du journal de Sara, qui retiennent plus de l’essai philosophique que du roman, sont riches et intéressantes. Juxtaposées au récit du père qui fait enquête, elles mettent en relief le désespoir qui envahit l’homme, qui après avoir perdu sa femme, ne retrouve plus sa fille. Ce désespoir, Kattan le détaille avec les bons mots. Le personnage se retient constamment de sombrer dans les souvenirs étouffants qui embrouillent son présent et découvre la vie que sa fille s’était bâtie sans lui. Les angoisses, les craintes et la peur qui l’envahissent sont exprimées humainement et c’est là l’un des points forts de l’œuvre. Chaque personnage est empreint de réalisme et l’assemblage de ces personnes racontées permet au récit d’être crédible.

L’auteur ne se contente toutefois pas de raconter l’histoire d’une poignée d’humains. Il trace en fait un fragile portrait d’une société divisée et le regard cohérent qu’il pose contribue à rendre son histoire vivante.

Les lignes du désir, Emmanuel Kattan, Éditions Boréal, 256 pages.

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