Les beignes et le droit du public à l’information

J’avais à peine 20 ans, l’âge de mon fils aîné aujourd’hui. J’avais terminé mon premier article pour le Montréal Campus lorsque le rédacteur en chef m’a confié une nouvelle mission: «Éric, occupe-toi des beignes.»

Mine de rien, je venais d’apprendre ma première leçon de journalisme-réalité: d’abord assurer la survie du journal.

Alors pour assurer la survie de notre journal, je me suis mis à vendre des beignes et du café au local du Campus situé dans un immeuble de la rue Sainte-Catherine. Nous étions fiers de travailler pour un journal qui avait acquis son indépendance grâce à la publicité (merci, Rémi!) et aux «revenus tiers» tirés de la vente de beignes.

Pour nous, cette indépendance nous permettait de faire du vrai journalisme, de défendre cette chose en laquelle nous croyions, le droit du public à l’information, et d’accomplir notre mission consistant à surveiller les autorités sans pression. C’est ce qui nous distinguait des autres journaux étudiants de l’époque, la plupart financés par des associations étudiantes.

C’est aussi au Campus que j’ai touché à mon tout premier Mac, à une époque où la machine à écrire était encore de mise. On était loin du iPad avec lequel je vous écris ce texte, mais déjà, on découvrait un monde de possibilités.

Beaucoup de beaux souvenirs de jeunesse sont restés dans ce fameux local de la rue Sainte-Catherine, où nous allions trainer dès que nos cours étaient terminés à l’université.

Mais pour moi, le Campus, c’est beaucoup plus que ça.

Cela fait maintenant dix ans que je dirige la salle de rédaction de La Presse. J’ai dû embaucher une centaine de journalistes durant cette période. Près du quart d’entre eux sont passés par le Montréal Campus. Je ne les ai pas embauchés par sentiment pour le Campus, mais plutôt parce que j’ai rapidement constaté que les jeunes journalistes qui sont passés par le Campus ont généralement acquis la maturité et les qualités des vrais journalistes.

Je le dis sans détour: nos journalistes les plus remarquables ont fait leurs classes au Montréal Campus. Le Montréal Campus a été une formidable pépinière pour La Presse et tous les médias québécois. Cette petite chose en laquelle je crois encore profondément, le droit du public à l’information, souffrirait grandement de la disparition d’une telle institution.

Éric Trottier
Éditeur adjoint
Vice-président à l’information
La Presse

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