Courir après la nouvelle

Le calepin est rangé. Le microphone, déposé. Du haut de ses huit mois, le premier enfant d’Ariane Lacoursière lui donne l’occasion de prendre une pause momentanée de son emploi à La Presse. «J’adore le journalisme, mais à un certain point tu deviens saturé. En ce moment, j’en profite pour redécouvrir mon métier et j’apprends à le voir d’un autre œil», confie-t-elle. Un bol de café au lait en main, la jeune mère profite d’un rare moment de quiétude, alors que son chérubin se fait choyer par sa grand-mère. D’une voix basse, mais assurée, elle se remémore le chemin parcouru depuis ses premiers articles parus dans le Montréal Campus, neuf ans plus tôt.

Médecin, physiothérapeute, enseignante en français : Ariane Lacoursière avoue ne pas s’être laissée facilement charmer par le métier de journaliste. «Avant, je ne lisais pratiquement jamais le journal, sauf le cahier des sports. Je voulais vraiment m’inscrire en sciences de la santé, mais je n’étudiais pas suffisamment», se rappelle-t-elle, sourire en coin. Suivant les conseils d’une amie, elle bifurque finalement vers le baccalauréat en journalisme de l’UQAM, qu’elle complète en 2005. Ancienne chef de pupitre Société au Montréal Campus, l’ex-uqamienne s’est découvert un intérêt marqué pour les enjeux sociaux. Ces passions l’ont suivie jusqu’à aujourd’hui et en ont fait sa marque de commerce, notamment en éducation et en santé. «Tous les journalistes ont un bagage qui les suit et qui teinte ce en quoi ils deviennent bons. Pour moi, c’était mon poste au Campus », raconte-t-elle.

Sa plume, elle l’a aiguisée en réalisant des reportages lors de son bref passage à l’hebdomadaire montérégien Le Reflet. Après un saut manqué au Journal de Montréal, Ariane Lacoursière fait son entrée à La Presse par le biais d’un stage d’été en 2008. Femme d’action, l’adrénaline du quotidien l’anime dorénavant. «Tu ne sais jamais de quoi ta journée sera faite. Ça me stimule et si tu as une journée de merde, au moins, le lendemain ça recommence à zéro», laisse-t-elle tomber en riant.

D’apparence réservée, Ariane Lacoursière a prouvé à plus d’une reprise qu’elle était une fonceuse. En 2010, sans l’accord de ses patrons et convaincue de la pertinence de son reportage, la journaliste se fait engager à titre de préposée aux bénéficiaires dans une résidence privée pour personnes âgées. «Je n’avais aucune expérience. Les propriétaires me laissaient seule la nuit, avec douze résidents complètement handicapés», se souvient-elle. Son enquête a soulevé un vif débat sur la qualité des soins de santé dispensés aux aînés de la province. Une audace qui lui aura valu une nomination au prix canadien de journalisme et le prix 2010 de l’Association québécoise de défense des droits des retraités et préretraités.

Lorsque la terre tremble en Haïti, plus tôt la même année, Ariane se propose sans hésiter. «J’ai eu un déclic, il fallait que j’y aille, je ne sais pas exactement pourquoi», explique-t-elle, les yeux pétillants. La journaliste, visiblement impulsive, a été renversée par le noble instinct de survie du peuple haïtien. «Tout le monde était dans la rue, rien ne fonctionnait, tout était détruit. Je n’ai pas eu pitié des gens, au contraire, j’ai été impressionnée par eux.»

Dans quelques mois, la nouvelle mère retrouvera ses collègues, son bureau et ressortira son calepin. D’ici là, elle feuillète son journal tous les matins, non pas par obligation, mais par passion. Elle tâte le terrain, réfléchit à son avenir. Prête pour un nouveau défi, elle songe à écrire pour la section des sports. Après tout, plus jeune, c’était le seul cahier qu’elle prenait le temps de lire.

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