La tradition réinventée

Alors que les derniers vanniers se mettent à enseigner leur art, celui-ci renaît tranquillement de ses cendres pour s’accoupler à d’autres disciplines.

1988. Yves Mireault peine à trouver un sens à sa vie. Le pouce levé, il prend la route et se retrouve à l’Île d’Orléans, un peu par hasard. Il y fera la rencontre de Clodet Beauparlant, qui lui apprendra les rudiments de la vannerie. Cela donnera un nouveau souffle à cet art traditionnel. La vannerie, plus vieille encore que la poterie, est l’art de tresser des fibres végétales pour en faire divers objets utilitaires ou décoratifs. Aujourd’hui, une poignée d’artisans réinventent cette tradition, lui conférant un usage créatif.

À Saint-Charles-Borromée, dans la région de Lanaudière, Yves Mireault se consacre à son art, loin du bruit de la ville et des centres d’achats. Il n’a pas d’automobile ni de téléphone. «Je sous-consomme pour équilibrer la surconsommation des autres», avoue-t-il, avec un grand sens de la formule. Le vannier effectue lui-même la collecte des matériaux néces- saires, faisant sécher les fibres végétales à des durées variées pour obtenir différentes couleurs. «J’ai toujours été sensible à la nature. Récolter soi-même, c’est un processus qui nous forge, nous sensibilise. Pour moi, la vannerie est un art thérapeutique», explique-t-il. Le sexagénaire prépare présentement une exposition prévue pour décembre dans laquelle il présentera ses nouvelles œuvres; une série de sculptures érigées à partir de la vannerie, faisant près de six pieds de haut et représentant des oiseaux portant des masques. Il n’a jamais enseigné son art, mais ne ferme pas non plus la porte à cette éven- tualité, attendant simplement des élèves qui pourront lui en apprendre autant qu’il en a à donner. Il ne voudrait pas d’une relation d’apprentissage trop différente de celle qu’il a vécu avec la pionnière Clodet Beauparlant.

La redécouverte
Clodet Beauparlant a d’ailleurs découvert la vannerie en participant à un programme gou- vernemental sur la recherche des plantes utilitaires. Pour en apprendre les rudiments, elle a cependant dû trouver une artisane, chose difficile dans les années 80. «Nous sommes un peuple jeune, né de l’ère du plastique. Lorsque cette dame m’a enseigné la vannerie, ce savoir avait déjà sauté deux générations. Ça a failli se perdre», déplore-t-elle.

Ce qui n’était au départ qu’un passe-temps est progressivement devenu un métier lorsque l’artiste a décidé de délaisser l’agriculture écologique pour se consacrer pleinement à sa passion. «Je faisais beaucoup de petits personnages, de paniers et de chapeaux, parce que c’est ça que les gens veulent. Ça me permettait de faire vivre ma famille, confie-t-elle. Maintenant que mes enfants sont plus autonomes, je peux me lancer dans des projets d’envergure, moins commerciaux.»

Passer le flambeau
En France, l’École nationale d’osierculture assure la pérennité de la vannerie. Ce savoir, loin d’être institutionnalisé au Québec, fait pourtant son propre chemin. Au Centre des textiles contemporains de Montréal, Adrien Landry offre chaque année des ateliersde vannerie. Il estime qu’au Québec, cette pratique n’est principalement qu’un passe-temps. «Ailleurs au Canada, il y a eu un renouveau de cet art au cours des vingt dernières années. Ici, la majorité des gens ne savent toujours pas ce que c’est», remarque-t-il. Les vanniers du Rest of Canada ont plus de facilité à vivre du fruit de leur labeur, selon lui.
Bien que marginaux, les vanniers de la Belle Province préparent la prochaine génération. À Saint-Côme, Clodet Beauparlant a commencé à transmettre la technique de fabrication d’un panier sur une base régulière, dans le cadre d’un cours donné au Centre du patrimoine vivant. «Avant, j’avais des gens plus âgés, à la retraite. De plus en plus, je reçois des jeunes gens de 25 ou 30 ans, se réjouit-elle. Ce sont souvent des artisans d’autres disciplines venus ajouter une corde à leur arc.» Plusieurs de ses élèves se sont mis à allier la vannerie à la céramique ou l’ébénisterie, raconte-t-elle, ce qui donne des résultats très intéressants. «Je vais devoir me secouer un peu pour que les élèves ne dépassent pas le maître trop vite», s’esclaffe-t-elle.

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Petite histoire de la vannerie
La vannerie est connue en Asie, en Afrique et en Amérique. Au Québec, les méthodes françaises se sont rapidement greffées à celles des Amérindiens. Là où les Français utilisaient généralement de l’osier de culture, les Amérindiens préféraient récolter les différents végétaux qui ses trouvaient sur leur territoire. À l’origine, on utilisait la vannerie à des fins utilitaires, pour en faire des paniers et des chapeaux, par exemple. Au Québec, quelques artistes se sont mis à en faire différents types d’œuvres d’art, tel que des sculptures ou des murales.

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