Sur les traces de Corbo

Le chant du cygne a sonné pour Claude Corbo. Malgré son départ imminent, le recteur cherche à marquer son territoire.

18 septembre 2012. Les membres du Conseil d’administration (C.A.) de l’UQAM sont réunis pour discuter de l’avenir de la communauté uqamienne. Le recteur Claude Corbo, qui a annoncé le printemps dernier qu’il quitterait son nid le 6 janvier prochain, prend la parole. Il souhaite déposer son mémoire qui dicter à son successeur la voie à suivre. À l’issue du vote, tous les membres autour de la table se plient à la volonté du recteur. Tous, sauf le représentant étudiant, Samuel Ragot, qui juge la note inopportune. Aux yeux de plusieurs, dont de nombreux professeurs, ce geste de Claude Corbo démontre sa volonté de garder un pied à l’interieur des murs bruns de l’UQAM.

Selon le mémoire écrit par le recteur sortant, le nouveau dauphin devra détenir des critères bien spécifiques. Le prochain dirigeant devra ainsi développer l’UQAM conformément au Plan stratégique 2009-2014 et au Plan de retour à l’équilibre budgétaire 2009-2016. «Le recteur sortant veut transmettre sa mémoire personnelle, estime le président du Syndicat des professeurs de l’Université du Québec à Montréal (SPUQ), Jean-Marie Lafortune. À ne se fier qu’à ce texte, le futur grand manitou de l’UQAM n’aura d’autre choix que de poursuivre l’œuvre du recteur sortant.»

Le texte allègue que le prochain pilote doit aussi avoir une «solide expérience en gestion et administration acquises dans des postes de direction supérieure». Selon Jean-Marie Lafortune, ce critère favorise- rait le vice-recteur à la vie académique Robert Proulx. «Il a une connaissance plus fine des rouages de l’UQAM, indique ce dernier. Il est le candidat de la continuité. Il était en poste lorsque la situation de l’UQAM est devenue précaire.» Son opposant, Gérald Larose, ne semble pas inquiet de ce critère. «Les enjeux touchant l’UQAM débordent de son enseigne, tout le monde est au fait de ces dossiers», affirme-t-il en ajoutant d’un ton assuré qu’il connait sur le bout de ses doigts les us et coutumes uqamiennes.

Volteface des profs

Le SPUQ dénonce la déposition du mémoire de Claude Corbo. Pourtant, ses représentants au C.A. ont voté pour le dépôt de la note. «Les membres du SPUQ au C.A. nous représentent, mais ils votent selon leur opinion», se défend le président. Leur position ne représente pas celle du SPUQ, qui n’est pas tendre devant le recteur. «C’est une pratique rare que le recteur dépose son mémoire avant que son successeur soit choisi, expose Jean-Marie Lafortune. Ça nous apparait abusif comme geste à poser.» La veille du C.A., les délégués du syndicat avaient pourtant estimé que le dépôt de la note n’influencerait pas la suite des choses.

Une membre du comité de sélection du prochain recteur, Danielle Pilette, croit toujours que le dépôt du mémoire n’influencera pas l’issue du choix. «Les critères de sélection sont ceux qui ont été utilisés lors des dernières courses au rectorat, on en a pris acte pour faire la sélection», ajoute-t-elle. Toujours selon cette dernière, le Plan de redressement et le Plan de retour à l’équilibre budgétaire ne sont pas des critères de sélection à proprement parler, mais plutôt des dossiers que doivent connaître les candidats qui souhaitent devenir recteur.

Corbo, la belle-mère

Là où le bât blesse, c’est dans l’intention cachée derrière la note de succession, nuance Jean-Marie Lafortune. «Claude Corbo veut un successeur qui va reprendre là où il laissera les choses et il a essayé de transformer ça en critère de sélection», analyse ce dernier. Dès la fin de son mandat, Claude Corbo compte occuper un poste de conseiller à la philanthropie à la Fondation UQAM. D’après le président du SPUQ, la note mentionne qu’une passerelle serait aménagée de manière à ce que Claude Corbo puisse porter soutien au prochain recteur. «Il cherche ainsi à garder la mainmise sur les grandes instances de l’UQAM», conclut Jean-Marie Lafortune.

«Je vais souhaiter qu’on puisse travailler avec toutes les pesonnes qui sont disponibles pour faire avancer l’UQAM, avance prudemment le candidat Gérald Larose. Claude Corbo fait partie de ces personnes-là.» Le chef de cabinet de l’autre candidat au rectorat Robert Proulx, René Côté, ne considère pas que la question soit du ressort du successeur. «On n’a pas à être favorable ou non au poste de Claude Corbo à la Fondation UQAM; ce n’est pas du ressort du prochain recteur», a t-il simplement affirmé.

Claude Corbo quittera bientôt le nid uqamien. Si son successeur est prêt à voler de ses propres ailes, il reste à voir si le recteur sortant continuera à survoler les pavillons uqamiens. L’administration de l’UQAM a refusé les demandes d’entrevues du Montréal Campus par «respect pour les candidats en lice».

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