Crache le cash

Les étudiants victimes de vols de matériel emprunté au Service de l’audiovisuel doivent délier le cordon de leur bourse pour rembourser l’Université.

5h30. Raphaëlle Mercier, étudiante en télévision à l’UQAM, quitte la salle de montage vidéo du pavillon Judith-Jasmin, éreintée. La nuit sera courte. Arrivée à l’intersection où sa voiture est stationnée, son cœur cesse de battre. En pleine rue, sa vieille Toyota Echo couleur or rouillé gît, valise et portes ouvertes. Le matériel qu’elle a emprunté au Service de l’audiovisuel s’est envolé. Caméra, trépied, perche et éclairage ont disparu, laissant en plan sur la banquette arrière les deux flamands roses en plastique qui ont servi de figurants lors d’un récent tournage. Raphaëlle doit rembourser la valeur totale des biens dérobés cette nuit-là, soit la rondelette somme de 7 949,93 $. L’UQAM n’assure pas ses étudiants en cas de vol.

Bon nombre d’étudiants ne savent pas qu’ils deviennent responsables du matériel qu’ils empruntent. «Tout mon entourage croyait que les assurances de l’UQAM allaient payer. Mais il n’y en a pas, d’assurances, pour nous!» L’article 6.1 du règlement no 7 relatif à l’emprunt d’équipement audiovisuel est clair. «Par leur signature du formulaire de prêts, les usagers s’engagent à rembourser au Service de l’audiovisuel la valeur de remplacement du matériel s’il est perdu ou volé.» En empruntant de l’équipement à l’UQAM, l’étudiant en devient automatiquement responsable. L’endos du reçu remis aux usagers lors d’un emprunt leur suggère d’ailleurs de vérifier si leurs assurances personnelles couvrent les appareils prêtés.

Ni les étudiants, ni les professeurs, ni le Service de l’audiovisuel ne sont assurés. «C’est l’UQAM qui assure ses pavillons. S’il y avait un feu, les assurances couvriraient le réaménagement des lieux, explique le responsable des comptoir de prêts de l’UQAM, Sébastien Richard. Dans le cas d’un vol, il y a un déductible de 50 000 $. Seuls les vols vraiment majeurs sont donc couverts »

L’étudiant ou l’enseignant qui emprunte doit, s’il désire être protégé, contracter lui-même une assurance habitation pour les biens prêtés. «Il n’y a aucun problème à assurer du matériel qui ne nous appartient pas, affirme la responsable du service à la clientèle chez SSQ Assurances, Natasha Couture. Un certain nombre de biens couverts par l’assurance habitation peuvent être à l’extérieur de la maison.» Autre son de cloche à La Capitale Assurances qui se montre plus réticente à aider les étudiants. «Les compagnies n’aiment pas vraiment ça, avance le courtier joint par le Montréal Campus, sans donner de raisons. Ça se fait, mais avec prudence.»

Raphaëlle Mercier demeure avec son père. L’assurance habitation de ce dernier devrait normalement couvrir le vol des biens empruntés. «Quand on a appelé l’assureur, on nous a dit que ce ne serait pas remboursable, déplore l’étudiante. Il a fallu qu’on se batte. Notre dossier est en évaluation.»

Une dépense de plus

L’achat d’une police d’assurance représente une dépense supplémentaire dans le budget des étudiants. «Une assurance de base peut coûter 20 $ par mois, précise Martine Huet, courtière chez Desjardins Assurances. Il n’est pas certain que le matériel loué soit couvert. Même si elle payait 150 $, l’assurance ne couvrirait pas tout.» Le responsable de l’audiovisuel, Sébastien Richard, diplômé en cinéma à l’UQAM, dit comprendre les universitaires. «Quand j’étais étudiant, j’espérais ne pas me faire voler, parce que ce n’était pas la période la plus faste de ma vie, rigole-t-il. À l’époque, personne ne se battait pour être responsable du matériel.»

Raphaëlle Mercier reconnaît que le personnel du Service de l’audiovisuel a été compréhensif, mais déplore l’absence de mécanismes de protection des étudiants. «J’ai l’impression que je suis impuissante face au vol, dénonce-t-elle. On devrait inclure une cotisation annuelle non obligatoire sur la facture universitaire, pour assurer ceux qui empruntent du matériel audiovisuel.»

D’après Sébastien Richard, cette solution a déjà été envisagée. Selon lui, les risques d’augmentation des fraudes ont surement dissuadé l’UQAM. «Ça devient plus facile de dire qu’on s’est fait voler si on est assuré, relate-t-il. Des gens emprunteraient le matériel et ne le rapporteraient jamais.»

Raphaëlle ne sait pas encore si elle devra payer de sa poche l’UQAM pour le matériel volé. Le cas échéant, elle désire ne rembourser que la valeur des biens selon l’état dans lequel ils étaient au moment de l’emprunt. «L’UQAM demande de rembourser un montant qui correspond au matériel neuf, parce qu’elle veut en racheter, rappelle-t-elle. Mais moi, ce qu’on m’a prêté, ça ne valait pas ça.» Pour l’instant, le montant demeure le même. Près de 8 000 $ qui, si ses assurances ne la dédommagent pas, seront peut-être portés à sa facture universitaire.

Si elle peut emprunter, pour l’instant avec l’autorisation spéciale du responsable des comptoirs de prêts de l’UQAM, Raphaëlle Mercier devra payer l’Université dans les plus brefs délais pour pouvoir continuer à tourner.

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