Ces artistes qui se lichent

Le gala des prix Gémeaux m’a déçue. Non pas par sa mise en scène aléatoire ou par l’animation désolante de Joël Legendre, non. Même pas. La déception était plus fondamentale, plus amère. Une déception élémentaire qui, en fin de compte, ratisse plus large que cette simple remise de prix. À la fin, pendant que je regardais avec honte et ennui l’animateur qui quittait la scène du Théâtre Maisonneuve dans sa télé géante, en faisant des blagues plates, eh bien, ça m’a frappé : je suis importunée par ces artistes qui s’entre-lichent. Je suis fatiguée de les voir  «dans la télé» – pour reprendre la chanson-thème du gala – je suis fatiguée de les voir s’aimer, se minoucher, se raconter des inside jokes même pas drôles à Penelope, Tout le monde en parle et autres talkshows.  Véro et Louis Morissette, Éric Salvail, Anne Dorval, Sébastien Benoît…Ils sont là, dans ma télé, trop souvent impertinents. Ils relatent leur quotidien comme s’ils étaient dans leur salon, entre amis. Et ça, ça m’emmerde. Parce que leurs histoires de petites starlettes ne me rejoignent pas, dans mon salon. Il y a trop de talent au Québec pour perdre du temps à diffuser de tels badinages, il me semble.

Dans les galas, se sont toujours les mêmes qui raflent les honneurs. Comme si la sphère culturelle se restreignait à quelques bobos déjà bien établis. Comme si le talent n’était l’apanage que d’une poignée d’artistes. Pour faire les fins, l’Académie, l’Industrie ou autres groupes de jurys mettent en nomination un ou deux nouveaux visages, comme François en série en 2007 ou, cette année, Vertige. Comprenez-moi bien, je n’ai rien contre Serge Boucher. Mais Apparence, ce n’était pas si bon. Une fin plate, plate, plate, plate. Une fin qui, à mon avis, vient anéantir les efforts de suspense et les codes narratifs des séries dramatiques. Apparences a remporté trois Gémeaux, dont celui pour la meilleure série dramatique. Et c’est seulement parce que Serge Boucher surfe sur une réputation. Et parce que dans le milieu, tout le monde se liche.

Ce qui me déçoit davantage dans ce phénomène de lichage culturel, c’est que les gens les écoutent, ces artistes qui s’aiment beaucoup. Les téléspectateurs vont même jusqu’à en redemander. Par un  voyeurisme certain, ils apprécient ces moments télévisuels pourtant vides de sens. Et c’est un peu une roue qui tourne, comme un cercle vicieux. D’un côté, ça leur fait de quoi parler au bureau le lendemain matin. D’un autre côté, s’ils se gavaient de trucs pertinents – il y en a quand même souvent, à la télé –  ça les aiderait à se trouver des sujets de conversations. Le bébé de Cœur de pirate ou l’air bête de Normand Brathwaite, ce n’est pas long qu’on a fait le tour. 

Une chose, en terminant :

Le gala l’ADISQ aura lieu le 28 octobre. R’gardez ben ça : Isabelle Boulay, Cœur de Pirate et Richard Desjardins – qui ne sera probablement pas là – vont tout gagner. J’exagère à peine.

Audrey Desrochers
Chef de pupitre Culture
Culture.campus@uqam.ca

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