Remède à quatre pattes

En plus d’amoindrir l’anxiété, les animaux permettent aux enfants autistes de développer des habiletés motrices et sociales. Explications? Mystère et boule de gomme.

Jonathan Demers déambule dans les allées du supermarché en tenant fièrement en laisse Clovis, son bouvier bernois. En ligne pour payer les emplettes, une femme interpelle le jeune adolescent de 13 ans. «Il est très beau ton chien», affirme t-elle attendrie en contemplant la bête nommée en l’honneur d’un roi de France. Pour Jonathan, vivant avec l’autisme, ces commentaires sont précieux. La présence de son chien lui permet non seulement de faire baisser considérablement son anxiété, mais également de pouvoir socialiser. «Avec le chien, les gens deviennent des collaborateurs», affirme, ravi, Alain Demers, le père de Jonathan. La famille Demers a accueilli Clovis dans le nid familial il y a huit ans. À ce moment, Alain Demers s’était rendu à la fondation Mira avec la volonté d’acheter un compagnon pour son fils. «Le chien avait été un bon copain pour moi lors de la période difficile de l’adolescence, se souvient-il. Je voulais donc en acheter un pour mon fils autiste et pour toute la famille.» C’est alors qu’on lui a parlé de ce qui allait devenir plus tard le programme Schola Mira. Des chercheurs souhaitaient introduire des chiens d’accompagnement dans des familles avec un enfant aux prises avec un trouble envahissant du développement. Expérimental à l’époque, le programme comportait une étude sur l’anxiété. On mettait alors en parallèle l’anxiété des familles qui possèdent un chien et celles qui n’en ont pas. La mesure du cortisol, l’hormone de l’anxiété, dans la bouche de tous les membres de la famille permettait alors de mesurer le degré d’anxiété des individus.

Les Demers ont décidé de prendre part à l’étude et d’accueillir un animal. Après plusieurs semaines d’intégration du chien à la famille, l’étude prévoyait son retrait pour une courte période. «L’école nous a appelés trois jours après le retrait. Jonathan ne fonctionnait pas bien en groupe et parlait constamment d’un chien», se fascine Alain Demers. Clovis a donc pu retrouver sa niche rapidement. «Pour la première fois de ma vie, j’ai vu mon garçon perdre son anxiété immédiatement. Ses épaules sont tombées, la fatigue l’a frappé comme un train et il est allé se coucher avec son chien.»

Les bienfaits des chiens auprès des enfants autistes sont indéniables, selon le psychologue et responsable de la recherche du projet Schola Mira, Noël Champagne. Pour ce dernier, les explications d’un tel phénomène demeurent cependant nébuleuses. Il soutient que les enfants autistes ont un problème de décodage sensoriel. Ils peuvent ainsi vivre une période d’anxiété intense que l’on nomme la «dépersonnalisation». «C’est comme si l’esprit se détachait de leur corps, explique Alain Demers. C’est une situation physique très désagréable.» Tenir un chien en laisse peut aider à contrer cette sensation et assurer un équilibre du corps dans l’espace.
Jonathan peut marcher pendant des heures aux côtés de son fidèle compagnon, alors que seul, les promenades ne durent que quelques minutes. «Avec son chien, il oublie tout, lance son père émerveillé. Il y a quelque chose qui bouge au bout de la laisse, ça le laisse en contact avec la réalité.»

Le programme Schola Mira, qui a fait don de plus de 300 chiens depuis ses débuts, accompagne les familles durant toute la vie du chien. «Ce que nous faisons c’est de le réadaptation. C’est loin d’être de la zoothérapie.»

Les animaux thérapeutes

La zoothérapie préconise une tout autre approche. Pour la fondatrice et présidente de l’École internationale de zoothérapie, Frédérique Roussel, ce type d’intervention est une avenue de la psychologie humaine basée sur l’intervention animale. «C’est une synergie triangulaire, explique la fondatrice. C’est un lien entre l’animal, l’enfant et le zoothérapeute.» Pour elle, ce type d’approche puise sa force dans la relation entre l’animal et l’enfant. Les enfants autistes ne voient pas les animaux comme une menace et cela facilite l’approche thérapeutique.

«On se sert des animaux pour atteindre des objectifs précis qu’on se fixe, affirme Nathalie Saindon, zoothérapeute au sein de la Coopérative de Solidarité Espace-Temps. On peut travailler sur l’anxiété d’un enfant autiste, par exemple.» Le patient est exposé à plusieurs stimuli et ceux qui le font réagir sont répétés. Une personne peut ainsi accepter d’être touchée. La thérapeute ajoute que les séances, d’une durée maximale d’une heure, permettent de développer des habiletés motrices. «On se sert des qualités physiques et le tempérament de l’animal, indique Nathalie Saindon. On utilise le chat pour développer la motricité et la finesse.» Plusieurs autres animaux peuvent être utilisés, notamment le cheval. Plusieurs traitements peuvent être prodigués avec ce dernier, dont l’hypothérapie. «On couche une personne sans scelle sur l’animal et on le fait marcher, élabore la spécialiste. On ne comprend pas très bien pourquoi, mais ça réduit considérablement les crises d’épilepsie qui sont présentes chez 60% des personnes autistes.»

Si le succès thérapeutique des animaux sur les enfants autistes est abstrus, le résultat, lui, est limpide. «Avec un chien Mira, les gens comprennent, mon enfant devient normal, s’émeut Alain Demers. Et ça, pour nous, c’est de l’or en barre.»

Crédit photo: Patrick B., Flickr

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