Les hebdos accrochent leur plume

Si la culture est florissante dans les régions du Québec, son moyen de promotion prend de moins en moins la forme du papier. Les hebdomadaires culturels laissent place aux réseaux sociaux, moins dispendieux.

En mai dernier, alors qu’il fignolait la prochaine édition de l’hebdomadaire culturel Voir Saguenay, le rédacteur en chef Joël Martel reçoit un coup de fil de la direction. Avec regret, on lui annonce que l’édition à laquelle il travaille sera la dernière. Au même moment, le glas a sonné pour le Voir Mauricie, le Mirror et le Hour. Si la scène undergroud a alors «mangé une claque», pour reprendre l’expression de l’ancien rédacteur en chef, les médias sociaux ont rapidement pris le relais.

«Dans les semaines qui ont suivi la fermeture, on a vraiment eu l’impression d’un grand vide dans le milieu émergent», note Joël Martin. Selon lui, les médias traditionnels présentent plus souvent qu’autrement des grands évènements. Il ajoute que les journaux régionaux, malgré de bonnes intentions, font ce qui se rapporte plus à du placement de produit qu’à du vrai journalisme culturel. Il ne reste à la scène émergente que les médias sociaux comme Facebook ou Twitter pour promouvoir de façon efficace leurs évènements.

Véronique Tremblay, coordonnatrice générale du cabaret culturel Le Sous-bois, situé à Chicoutimi, mise principalement sur Facebook pour remplir son établissement. «Nous avons une clientèle étudiante, jeune et très habituée aux réseaux sociaux. La fermeture du Voir n’a eu qu’un effet psychologique sur nous. Il n’y a pas eu de baisse d’achalandage», avance-t-elle. Au Café du Clocher, autre salle de spectacle prisée par la scène émergente à Alma, la responsable Kati Laforêt est du même avis. «Même si on entendait beaucoup parler des articles du Voir, le gros de notre publicité se faisait sur Facebook. On n’a pas vraiment vu de différence», constate-t-elle.

Si l’arrêt de publication du Voir n’affecte qu’indirectement les groupes émergents se produisant en région, une atmosphère de deuil plane toutefois au-dessus de leur communauté. «Quand tu fais le cover du Voir, tout le monde te voit dans les lieux publiques. Du coup ça donne de la crédibilité au groupe. C’est pas tout le monde qui fait l’effort d’aller sur internet pour découvrir de nouveaux groupes et consulter les spectacles à venir», fait remarquer Max Desrosiers de Mordicus, groupe de rock émergent «100% Saguenéen».

La chute

Le son de cloche est le même chez les quatre disparus: c’est la popularité grandissante des médias numériques et sociaux qui a entrainé une baisse des revenus publicitaires, ce qui a précipité leur chute. «La vente de publicité était de plus en plus difficile. Les commerçants avaient peur d’annoncer dans le vide en allant vers nous. Ils préféraient s’adresser aux journaux traditionnels», remarque Joël Martel. À son avis, la recherche d’annonceurs aurait toutefois pu être optimisée, car la vente de publicité, seul revenu du Voir Saguenay, se faisait entièrement à partir de Québec. «La vente de publicité est un art. On doit être sur le terrain, tisser des liens avec les commerçants. Si tu veux que le propriétaire d’un restaurant annonce chez toi, va manger dans son établissement avant de le lui proposer», explique-t-il.

Au Mirror, la baisse de publicité a coupé l’herbe sous le pied de sept employés qui ont été congédié sans préavis. Deux de leurs collègues ont pour leur part été transférés au sein d’autres publications de Sun Media. Le Mirror, qui tirait à 70 000 exemplaires, était la plus vieille publication du genre à Montréal, avec 27 ans d’activité.

Malgré les difficultés frappant les hebdomadaires culturels gratuits, Joël Martel reste toutefois optimiste quant à leur avenir. «On aura toujours besoin d’un média professionnel. Le Voir Saguenay a toughé près de 10 ans. Ça démontre qu’on avait besoin de quelque chose de similaire.» À l’entendre en cette fin de mois d’août, difficile de deviner qu’il perdait son boulot il y a moins de trois mois. Après la fermeture du Voir Saguenay, il est rapidement retombé sur ses pattes. Son nouveau projet, le webzine culturel Mauvaise herbe, affiche des taux de fréquentation surprenants. Il est catégorique: «C’est parce que la culture résiste».

Crédit photo : Henry Gass/Flickr

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *