La paie des chargés de cours prise en otage

Plusieurs chargés de cours pourraient se voir privés de salaire le 13 septembre prochain si certains de leurs collègues ne rapportent pas à temps leurs ententes d’évaluation signées au bureau de leur faculté. Le Syndicat des chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ) était au courant depuis deux semaines, mais n’avait pas averti ses membres.

C’est par hasard que Mazel Bidaoui, chargé de cours de la Faculté de langues et communication prend connaissance du retard salarial auprès d’un officier syndical, le 21 août. «Il m’a alors affirmé que nous n’aurions pas de paie avant le 27 septembre, ce que j’ignorais complètement», s’exclame-t-il. Peu après, le Service des ressources humaines lui confirme que la paie du 13 septembre est compromise.

À la demande de plusieurs chargés de cours, le doyen de la faculté ainsi que l’adjointe administrative Nicole Jodoin viennent leur prêter main forte. Pour accélérer le processus, dès le lendemain, celle-ci envoie donc un courriel à tous les chargés de cours leur signalant que leurs nouvelles ententes d’évaluation sont disponibles dans le casier de chacun.

Le département des ressources humaines a joint un avis écrit aux ententes d’évaluation, dont Montréal Campus a obtenu copie. «SVP, il est primordial de nous remettre ce formulaire au plus tard le jeudi 30 août 2012 à 13h au local J-3170. Si nous n’avons pas reçu les formulaires de tous les cours (profs et c.c.), les chargé(e)s de cours ne pourront pas recevoir leur paie le 13 septembre prochain. Pensez à vos collègues qui n’ont que ce seul revenu. Merci.»

Le président du syndicat, Zakaria El-Mrabet, est resté plutôt évasif lorsque confronté à ces informations. «Même les officiers syndicaux seront payés dans quatre semaines. J’ai appelé à la direction du service enseignant et même eux ne savent pas quand seront payés les chargés de cours», a-t-il affirmé sans s’avancer davantage.

Interrogé sur l’existence du document accompagnant les ententes d’évaluation à la Faculté de communication, sans nier son existence, il refuse d’affirmer si de telles mesures seront réellement appliquées. «C’est possible, ça varie selon le département», se contente-t-il de dire. Le seul délai pouvant survenir, selon lui, serait dû au système informatique. «Les cours repris ne sont pas entrés comme des cours réguliers à cause de la variabilité du nombre d’heures. Ils doivent être entrés à la main, ce qui allonge le processus».

À l’assemblée générale du 23 août dernier, les membres du SCCUQ ont demandé des explications à leur exécutif. Ils n’ont obtenu que bien peu de réponses. Mazel Bidaoui prétend de son côté que dans ce dossier, l’exécutif de son syndicat a carrément failli à sa tâche. «Ils pensent qu’en disant ça aux chargés de cours, ceux-ci pourraient ne pas prendre certaines charges de cours, étant donné l’incertitude qui règne actuellement, évoque Mazel Bidaoui. L’université sera coincée, car 70 % des enseignants sont des chargés de cours, donc ils n’auraient pas pu trouver de remplaçants.» Il qualifie ce geste de «coup très bas, voire cheap de garder ainsi les chargés de cours dans le noir». À son avis, son syndicat agit ainsi car il a aussi peur de la confrontation avec l’administration universitaire et de la réaction de ses membres.

La provenance du document accompagnant les ententes d’évaluation demeure toutefois nébuleuse, puisqu’elle ne portait pas de sceau de l’UQAM. Les autres membres de l’exécutif du SCCUQ n’ont pas voulu s’exprimer en leur propre nom. Idem pour l’adjointe administrative à la faculté de langues et communication qui s’est abstenue de commenter.

Résolution en cas de poursuite de la grève

Lors d’une assemblée générale mardi dernier, les membres du SCCUQ ont aussi adopté une résolution spéciale, leur donnant le droit de déclencher une grève si les conditions d’enseignement se dégradent. Cette proposition soumise par la Fédération des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ) stipule que les amendes encourues par une éventuelle grève des chargés de cours, en vertu de la loi 12, seraient défrayées par un fonds spécial de la Confédération des syndicats nationaux. Isabelle Baez, chargée de cours à l’École des langues de l’UQAM, considère cette résolution «nécessaire». «Autrement, les chargés de cours étaient laissés à eux-mêmes, complètement seuls», affirme-t-elle. Alain Gerbier, chargé de cours en communication, se réjouit de l’adoption de cette proposition qui va en faveur de la dignité des enseignants. «Il était anormal de voir la police dans l’université, le dernier asile de la liberté d’expression», conclut-il.

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