Le collectionneur

Outre son allure un brin austère, rien ne trahit le passé d’architecte de Marc H. Choko. Amateur d’affiches, il vit aujourd’hui de sa passion. Un homme à la pensée cartésienne, mais au cœur d’artiste.

Le contraste entre le chaos relatif de son bureau et l’attitude calme et posée de Marc H. Choko est manifeste. L’homme prend sa retraite cette année, mais laisse derrière lui un héritage dont toute l’UQAM peut bénéficier.

Directeur du Centre de design de l’Université pendant 10 ans, il a fait sa marque dans la faculté de design. Une affiche bien spéciale, parmi une dizaine, trône d’ailleurs dans son bureau. «C’est l’affiche qui a été faite pour souligner mon départ du Centre de design», lance-t-il avec humilité.

Pourtant, rien ne laissait présager que Marc H. Choko allait devenir la sommité qu’il est aujourd’hui dans le domaine des affiches. Étudiant en architecture au baccalauréat, en aménagement à la maîtrise et en urbanisme au doctorat, la carrière de cet expatrié français ne semblait pas du tout se diriger vers le domaine artistique. Professeur en Chine et directeur de recherche à l’Institut national de la recherche scientifique, Marc H. Choko parle de cette période comme de son «autre vie».

C’est en fouillant dans un curriculum vitae qu’il se remémore son passé de vice-président du comité logement et cadre bâti de l’Association internationale de sociologie. C’est avec un ton bien loin de celui qu’il emploie pour parler des affiches que Marc H. Choko déterre son passé. Avec le calme qui semble le caractériser, il avoue candidement n’avoir aucune formation dans le domaine du design graphique. Aujourd’hui, cette ancienne passion, celle d’architecte, il la vit en voyage. «Je contemple», dit-il simplement, presque désintéressé. Une affiche de Métropolis, film culte de Fritz Lang qui trône dans son bureau est une relique de cette époque. «Dans une autre vie, j’étais architecte, cette affiche représente l’utopie de la ville moderne dans les années 30», lâche le connaisseur, qui ne semble en rien regretter cette période révolue.

Petit passe-temps deviendra grand
«Pour mon 15e ou 16e anniversaire, j’ai reçu ma première affiche. C’est ma mère qui me l’avait offerte, ça ne coûtait rien à l’époque», raconte le professeur de l’école de design. Ce cadeau, c’est le début d’une passion pour celui qui œuvre cette année comme commissaire pour la célébration des 25 ans et demie de Publicité Sauvage, compagnie qui s’occupe de diffuser des affiches publicitaires sur les murs de Montréal. «L’affiche est un passe-temps, qui est devenu, avec le temps, de plus en plus imposant», avoue-t-il. Ses murs, parsemés d’affiches, sont le reflet de cette passion. Même si de son propre aveu, elles ne sont pas parmi ses favorites, l’espace de travail du collectionneur est tout à son image. Collectionneur est un bien faible terme, et même passionné pourrait ne pas être à la hauteur du culte que l’homme voue à l’affiche bien faite. «Dans les années 60, à l’époque où j’ai commencé à collectionner les affiches, elles représentaient pour moi la face moderne de la création graphique, une façon d’acquérir des œuvres d’art», raconte Marc H. Choko. Auteur de nombreux livres, sur l’aménagement, l’urbanisme, mais surtout sur les affiches, son bureau exsangue est rempli d’une bibliothèque qui croule sous ses ouvrages. «J’en ai même qui ont été traduits en chinois!» exprime avec fierté Marc H. Choko, en pointant du doigt un de ses livres.

La notoriété de Marc H. Choko fait rayonner l’UQAM, certes, mais dépasse grandement ses frontières. Dans le fouillis qui règne sur une des tables de son bureau trône un manuscrit. «Je suis en train de le corriger, il sera traduit en anglais bientôt», confie-t-il avec un enthousiasme palpable, qui ne semble l’animer que lorsqu’il parle de ses bien aimées affiches. Il s’est plu à documenter les affiches du Canadien Pacifique, une compagnie ferroviaire, parmi les plus importantes productrices d’affiches et de propagande. En voyageant aux quatre coins du monde, le professeur étoffe sa collection. «J’ai trouvé des affiches québécoises en France et aux États-Unis, parce que la culture de l’affiche là-bas est beaucoup plus développée qu’ici», dénonce-t-il.

Cette expertise sur l’affiche, il se l’est construit par l’intérêt, la passion, le temps et la patience. Commissaire pour plusieurs expositions, notamment celle de Lino récemment, un de ses affichistes préférés, il collectionne les projets et fait figure de véritable icône dans le domaine de l’affiche illustrée. Depuis plus de 50 ans, Marc H. Choko accumule les affiches, déniche des perles rares de l’annonce. Discret, il hésite à se prononcer sur le nombre d’affiches qu’il possède, mais se compromet tout de même un peu. «Juste sur les Olympiques, j’ai quelques milliers d’affiches», lâche-t-il avec un petit rire gêné. Ce n’est certainement pas dans son bureau qu’elles sont entreposées par contre, mais curieusement, dans son sous-sol. «Elles sont toutes dans ma cave, elles se conservent super bien, empilées les unes sur les autres dans des tiroirs», révèle Marc H. Choko, franchement amusé.

Même s’il quitte l’UQAM à la fin de cette année, Marc H. Choko restera certainement dans les parages. «Ça me rend heureux la retraite, je ferai d’autre chose, j’ai plein d’autres projets», confie-t-il, visiblement fébrile à l’idée de pouvoir consacrer toutes ses énergies à ses précieuses affiches. Si Marc H. Choko ferme la porte avec sérénité, il avoue quand même que c’est un peu la maison qu’il quitte. «Après plus de trente ans, l’UQAM, c’est chez moi.»

Crédit photo: Zoé Pouliot-Masse

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