Au-delà des murs

Le 17 décembre, la nouvelle est tombée tel un boulet de canon, clôturant ainsi une année 2011 remplie de rebondissements: Kim Jong-Il, la main de fer de la Corée du Nord depuis plus de 17 ans, est mort.

Pour certains, Kim Jong-Il ne représente qu’une simple marionnette dans le film américain Team America: World Police, alors qu’il fournit à des terroristes des armes de destruction massive.

Pour d’autres, c’est un vrai chef – les images des milliers d’hommes et femmes coréens pleurant sa mort témoignent d’un vrai culte de la personnalité –, un homme pieux aux qualités indénombrables.

Pour ma part, la dynastie des Kim –  depuis une cinquantaine d’années, il s’agit de la même dictature transmise de pères en fils – a mené le pays au bord du gouffre. Une division draconienne de la Corée au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale (séparant plus de 10 millions de personnes de leurs familles) et une famine faisant plus d’un million de morts dans les années 1990 ne sont que deux exemples de ce règne tyrannique.

À la suite de la mort de Kim Jong-Il, le documentaire de la Coréenne Min Sook Lee, L’esprit du tigre, attire mon attention. Réalisé en 2009 et disponible gratuitement sur le site de l’Office national du film du Canada (ONF), il s’agit d’une quête, entreprise par Min Sook Lee, originaire de la Corée du Sud, mais qui a émigré au Canada à l’âge de 3 ans. Cette dernière est à la recherche d’une Corée libre et unifiée. Enceinte, elle aide son ami Lim en fouillant de fond en comble les forêts coréennes à la recherche du tigre coréen, apparemment disparu depuis l’occupation japonaise. La recherche du tigre n’est qu’une simple métaphore: «si on rase la fourrure d’un tigre, ces lignes sont bien profondes dans sa peau», soutient la réalisatrice. Une Corée réunie et affranchie ne relève donc pas de l’utopie, bon sang.

La présidence de Kim Jong-Il prend toute son ampleur lorsqu’on y présente des histoires de survies. Celles d’hommes et de femmes octogénaires et plus, qui ont quitté la Corée du Nord la nuit, par groupes, en laissant des bébés qui pleuraient en arrière afin de ne pas attirer les gardes. Par contre, les milliers de rescapés ne pouvaient pas savoir que la réunification prendrait autant de temps. «Si j’avais su […], je l’aurais emmené avec moi [son enfant], même au risque d’en mourir», dit une vieille dame au bord des larmes.  Rendu à cette partie du documentaire, je vais être franc: la mort du dictateur me réjouit.

Un tel visionnement met tes convictions en branle. Après la chute du mur de Berlin en novembre 1989, est-il réellement possible aujourd’hui, au 21e siècle, d’être témoin d’une telle séparation sociale, politique et économique? La Corée en est le parfait exemple.

À chacun son mur

Il y a six heures de décalage horaire et un océan entre Montréal et Paris. Ça fait plus de huit ans que je n’ai pas parlé avec ma tante et mes cousines. Faute de temps ou de volonté? Aucune idée, pour être honnête avec vous.

Depuis la mi-décembre, dès mon réveil, j’ai pris l’habitude d’ouvrir mon Journal – nouveau nom donné à mon profil Facebook – dans l’espoir d’y trouver un «Tu me manques cousin!», ou un «Ça fait longtemps! Qu’est-ce que tu deviens?». Un simple «Salut!» m’aurait suffi, juste un petit mot pour savoir que je suis dans leurs pensées. Résultat: une perte de temps et d’énergie. Zéro, nada. Pourtant, les chances de me trouver sur Facebook dans la journée sont assez élevées (certains m’accusent même d’y raconter ma vie). Couper les ponts avec ma famille d’outre-mer? Fine!

Quelques jours auparavant, je m’étais promis de ne plus me soucier de mes proches restés en France. Or, après avoir visionné L’esprit du tigre, je ne peux m’empêcher de ressentir la tristesse et le désarroi de ces milliers de familles, qui ne seront probablement jamais réunies (du moins, pas dans cette vie).

Le lendemain matin, au lieu vérifier ma page Facebook, j’ai été sur celle de ma cousine. Un bruit de cliquetis plus tard, je lui ai offert un signe de vie.

Ewan Sauves

Chef de pupitre Société

societe.campus@uqam.ca

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