Une dernière

Putain, c’est ma dernière, et pas moyen d’être satisfait du moindre mot. Fait quinze minutes que je regarde mon écran, pianote quelques merdes, mange une chip au maïs. Efface la merde. Regarde une chip au maïs. Pianote sur mon écran. Mange mon clavier.

Toujours au Boudoir ou presque, rue Mont-Royal, le lundi. D’habitude, une dizaine de gorgées de Coup de grisou et paf, ça décolle, pour le meilleur. Le pire, aussi. Une heure plus tard, je remballe ma chronique et mon ordi: un .doc s’ajoute à Mes documents.

Je n’y pense plus, puis, deux jours plus tard, je retrouve mon texte dans le journal du mercredi: les fautes, les imprécisions et surtout, la superbe immobilité. Faites-moi rire avec la spontanéité du web. Pour mourir, le papier prend le feu, l’autre, DELETE.

Le lendemain, mes colocs ont aimé ou détesté, moi aussi, des fois, je déteste me lire, surtout quand je me dis que je suis devenu un pas pire chroniqueur. Je déteste les pas pires chroniqueurs.

Mince consolation: quand c’est complètement mauvais, je me dis que personne ne lit sauf mes quatre colocs. Quand c’est le moindrement bon, je me dis qu’au moins 100% de mes colocs me lisent. Ah, sauf un, mais tant mieux: par justice, je serais peut-être obligé de m’intéresser à ses codes de programmeur.

Un fond de pinte, et toujours rien de substantiel. Vous aurez appris quoi, dans cette chronique? Moi non plus.

En trois ans, j’ai parlé des frais de scolarité, des stages en enseignement, de poésie, de la CAQ, d’architecture, d’Anne-Marie Losique, de démocratie étudiante, de tiédeur radiophonique, d’engagement, du 11 septembre, d’eau embouteillée, de bananes, de documentaire, de militantisme, de médias de masse, d’indignés, de Bye Bye, de Rachel McAdams, de poutine, de projet collectif, de financement public, de Claude Corbo, de marchandisation de la culture et j’en passe.

Et puis, pour ma dernière chronique, rien. Absolument rien. Une pinte éventrée de Coup de grisou. Un panier de chips vide. C’est peut-être signe que j’ai fait le tour. Que d’autres ont aussi à tourner, tournoyer, s’étourdir. Merci à Montréal Campus, pour m’avoir offert ses pages pour parler de tout. Surtout, merci pour m’avoir laissé, par moment, ne parler de rien. À la tienne!

Charles-Éric Blais-Poulin
Chef de pupitre Société
Societe.culture@uqam.ca

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