Tempête syndicale

Alors que la date du renouvellement de la convention collective du Syndicat des chargés de cours de l’UQAM approche à grands pas, l’Université négocie avec des représentants dont l’élection est contestée au sein même du syndicat.

Ivan Constantineau, chargé de cours au département de mathématiques, a été scandalisé à la fin d’une assemblée générale de son syndicat en janvier dernier. Le conseil exécutif, présidé par Guy Dufresne, avait proposé l’élection des trois membres du Comité des agents de relations de travail (CAART) au comité de négociation de la convention collective. Unanimement, les membres présents ont voté en faveur de cette proposition. Ivan Constantineau a alors senti que le processus d’élection clochait.

Après une relecture des règlements et statuts de son syndicat, ses doutes ont été confirmés. Selon lui, ceux-ci stipulent qu’une telle élection aurait dû avoir lieu lors d’une assemblée spéciale prévue à cet effet et que tous les prétendants aux postes auraient dû être invités à présenter leur candidature. Le président du Syndicat des chargés de cours de l’UQAM (SCCUQ), Guy Dufresne, soutient quant à lui que les membres du syndicat étaient déjà au courant de la candidature des trois membres du CAART avant l’assemblée générale. Ils auraient réitéré de nombreuses fois leur confiance envers le processus de négociation. «On cherche à répondre au besoin du plus grand nombre, déclare fermement le président, pas à ceux d’un noyau anti-syndicaliste!»

Ivan Constantineau dit avoir tenté de soulever la question de la légitimité de la procédure en assemblée syndicale pour se faire simplement répondre d’aller relire ses statuts. Afin de mettre un terme au bras de fer avec les membres de l’exécutif, le chargé de cours a réclamé un avis juridique de l’avocat Mark E. Turcot. Pour rendre son verdict, l’avocat s’est fié aux statuts et règlements définis par le syndicat. De par les articles 35.6 et 35.6.4 concernant les conditions d’éligibilité des membres du syndicat aux comités spéciaux, Me Turcot conclut que «le CAART n’est pas un comité de négociation dûment constitué et ne peut donc pas négocier le renouvellement de la convention collective au nom de ses membres.»

L’exécutif du SCCUQ a alors voulu combattre le feu par le feu et a commandé un contre-avis. Émis par les services juridiques de la Confédération des syndicats nationaux (CSN), ce document déclare conforme la manière dont le CAART a été élu. Impossible cependant d’en savoir plus sur l’interprétation des avocats de la CSN, puisque le syndicat refuse la publication du document et n’autorise sa consultation sous surveillance qu’à ses membres.

Guy Dufresne est néanmoins convaincu de la crédibilité de cet avis et est persuadé que la lecture qu’a faite Me Turcot ne tient pas la route. «L’avis que nous avons demandé a été rédigé par des spécialistes des droits du travail, pas par n’importe quel petit avocat!» s’exclame le président du SCCUQ. Mark E. Turcot, avocat spécialisé en droit du travail et dans les litiges travail-emploi, admet qu’un texte s’interprète de plusieurs façons. «Toute interprétation, juridique ou non, est le résultat d’un exercice d’analyse», soutient l’avocat détenteur d’un Bachelor of civil law de la prestigieuse Université d’Oxford en Angleterre. Il considère toutefois qu’il en est arrivé à un «degré d’assurance et de confort suffisant pour affirmer qu’il est approprié de donner [son] verdict.»

Le président de la Fédération nationale des enseignants et enseignantes, Jean Trudelle, demeure prudent en s’exprimant sur le conflit. Rappelant que les membres de l’organisation qu’il préside sont uniquement les syndicats et non leurs membres, il invite les partis à dialoguer et estime que le conflit relève davantage d’un problème politique. «La solution passe par de bons débats en assemblée syndicale.»

Une transparence obscure
Des débats, Ivan Constantineau en veut bien. Le problème, selon lui, c’est que le SCCUQ ne tolère aucune opposition. «Ceux qui s’opposent à l’exécutif sont tassés systématiquement», vocifère-t-il, incapable de s’empêcher de lever le ton. Après s’être fait interdire le droit de publier ses textes d’opinion dans la revue interne d’actualité du SCCUQ, Ivan Constantineau et deux de ses collègues ont créé leur propre tribune sur internet. Lesitelibre.com est maintenant le seul moyen de dénoncer le «manque de transparence du syndicat» de ceux qui pensent défendre les opinions de plusieurs membres. Ivan Constantineau s’échauffe rapidement lorsqu’il parle du sujet. «Ce sont toujours les mêmes personnes qui gravitent autour du pouvoir. Ça provoque un désabusement, surtout chez les membres plus jeunes», dénonce-t-il.

L’UQAM est-elle au courant qu’elle négocie avec un comité dont la légitimité est douteuse? Selon Ivan Constantineau, quelqu’un aurait fait parvenir l’avis juridique de Me Turcot à l’instance patronale. L’UQAM a refusé un entretien entre Montréal Campus et le négociateur Marc-André Vigeant, spécifiant que les pourparlers allaient bon train, mais qu’aucune entrevue ne pourrait être accordée pour préserver un climat de confiance.

Ivan Constantineau se soucie peu des raisons qui ont mené son syndicat à agir de la sorte. Le seul combat du chargé de cours, c’est celui de la vérité. «Je ne suis pas anti-syndicaliste, martèle-t-il. Tout ce que je veux, c’est un syndicat propre qui nous soutienne. On veut un exécutif en qui on peut avoir confiance.»

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Faites l’addition
L’article 8.07 de la convention collective stipule qu’un chargé de cours ne peut obtenir plus de huit charges de cours par année. En revanche, l’article 3.17 accorde au syndicat l’équivalent monétaire de 19 charges de cours par année réparties à l’ensemble de ses officiers. L’année du renouvellement de la convention collective, l’équivalent monétaire de huit charges supplémentaires est accordé aux représentants officiels du syndicat pour chaque trimestre que durent les négociations. Le salaire d’une charge de cours peut varier entre 6 648,02$ et 8 984,46$ par trimestre.

Illustration: Dominique Morin

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