La pêche aux profs

Avec le départ à la retraite de nombreux professeurs et la compétition féroce pour appâter les cerveaux dans la force de l’âge, l’UQAM peine à combler tous les postes créés depuis 2009.

À l’hiver 2009, au terme d’une grève de sept semaines, le Syndicat des professeurs de l’UQAM (SPUQ) réussissait à convaincre la direction de créer 145 nouveaux postes avant la fin de 2014. Presque deux ans plus tard, les babillards affichant les offres d’emplois débordent, faute de candidats répondant aux critères d’embauche sévères de l’institution.

La convention collective des enseignants promet l’ouverture de 25 postes par année sur une période de cinq ans. Le nombre de candidats recherchés ne cesse pourtant d’augmenter chaque année. De 69 postes à pourvoir en 2009, le nombre est passé à 71 l’an dernier et vient de grimper à 78. «Pour combler un poste, à l’heure actuelle, on peut compter jusqu’à deux ans», mentionne la directrice du Service du personnel enseignant de l’UQAM, Josée Dumoulin. Elle ne considère pas que ce délai est alarmant, compte tenu de la spécificité de certains emplois. Le niveau de scolarité élevé demandé pour certains postes peut également expliquer le chétif nombre d’aspirants. «Le bassin de gens qui détiennent un doctorat est assez restreint», confirme-t-elle.

La compétition entre les universités pour recruter des professeurs explique également la difficulté à pourvoir les postes. «Il arrive fréquemment que les institutions universitaires fassent du maraudage et tentent de recruter des jeunes professeurs prometteurs que nous employons, admet la directrice du personnel enseignant. Ils peuvent leur offrir une chaire dans un centre de recherche, par exemple». L’UQAM n’a pas toujours les moyens de concurrencer les grosses pointures du réseau universitaire. «On a des moyens, mais d’autres universités, comme McGill, disposent davantage de fonds externes», ajoute Josée Dumoulin.

La convention collective des enseignants permet aux facultés de l’Université du peuple, qui recrutent elles-mêmes leur personnel enseignant, d’offrir des primes de marché pour attirer les gros poissons. Elles peuvent s’élever à 20% du salaire de l’enseignant, jusqu’à un maximum de 1% de la masse salariale. Mais ces bonis à l’embauche sont bien loin de concurrencer ceux que peut offrir le secteur privé, d’où provient une bonne partie des professeurs universitaires.

Manque de relève
Pour Jean-Yves Filbien, professeur au département de finance de l’École des sciences de la gestion de l’UQAM, le salaire n’est souvent pas ce qui hameçonne les spécialistes dans les institutions universitaires. «C’est un travail stimulant et beaucoup plus varié que ce que l’on peut retrouver dans le secteur privé», lance-t-il. L’ancien premier ministre du Québec et professeur au département de stratégie, responsabilité sociale et environnementale, Bernard Landry, abonde dans le même sens. Pour lui, l’enseignement supérieur était un passage obligé à la suite de sa carrière politique. «J’ai pensé que c’était un devoir pour moi de transmettre mes connaissances pratiques à la jeunesse», s’enorgueillit-il.
Il n’en demeure pas moins que l’atonie avec laquelle les postes se comblent a des répercussions sur certains domaines d’études. Jean-Marie Lafortune, 3e vice-président du SPUQ, affirmait à Montréal Campus, en février dernier, que «l’embauche de nouveaux professeurs favorisera le développement des cycles d’études supérieures». L’incapacité de trouver une relève pour certains professeurs qui partent à la retraite peut avoir l’effet inverse. Et pas question de tous les remplacer par des chargés de cours. «Sans professeur, on ne peut continuer à développer un secteur et faire de la recherche, précise la directrice du personnel enseignant; un chargé de cours peut enseigner, mais il ne nous permettra pas de développer un créneau important pour l’Université.»
L’UQAM tente de trouver des moyens pour que l’affichage des postes soit vu par une plus grande partie de la population. «En faisant un sondage auprès des nouveaux professeurs, on s’est rendu compte que le site internet est beaucoup visité et que c’est de cette façon qu’on rejoint le plus de gens», note Josée Dumoulin. L’Université compte également se servir de la vitrine offerte par les réseaux sociaux dans les prochaines années pour pouvoir toucher un plus grand nombre de personnes. «Mais pour la majorité des postes, c’est toujours le bouche à oreille qui fonctionne le mieux. Les professeurs travaillent dans leur milieu, ils connaissent plusieurs experts et leur parlent de la possibilité de venir enseigner à l’UQAM. C’est de cette façon que l’institution a mis le grappin sur Bernard Landry. L’Université du peuple devra bien mener sa barque pour continuer à pêcher de telles prises.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *