Problèmes financiers pour des étudiants étrangers

Avec leurs familles piégées dans des guerres civiles et des conflits politiques, des étudiants étrangers se retrouvent sans le sou, incapables de payer leur épicerie et leurs frais de scolarité. 
Originaire de la Côte d’Ivoire, Pierre-Claver Ganou, étudiant au baccalauréat en administration, est venu au Québec grâce au financement de sa famille, afin d’acquérir un diplôme de haut niveau. Mais depuis qu’une guerre civile a éclaté dans son pays, faisant près de 500 morts jusqu’à maintenant et gelant les comptes bancaires de ses parents, l’étudiant peine à voir la lumière au bout des couloirs bruns de l’UQAM. Contrairement aux étudiants haïtiens aidés par le gouvernement québécois en 2010, les étudiants africains sont laissés pour compte. 
 
«Je suis à bout de souffle», confie Pierre-Claver Ganou. En plus de la réussite de ses cours, l’Ivoirien doit désormais assurer sa survie. Or, il ne peut trouver d’emploi faute de permis de travail. Pour payer son loyer aux résidences de l’UQAM, il rationne son alimentation en se limitant à un repas par jour. Sa sœur, étudiante à Londres, paye une partie de son loyer. La nuit, l’angoisse empêche Pierre-Claver de dormir. «Chaque session me coûte 6 750 $ et cela n’inclut pas le coût de mes livres», indique-t-il. Sans l’acquittement de ses frais de scolarité, l’étudiant ivoirien pourra terminer sa session, mais ne pourra poursuivre ses études à l’UQAM en septembre. Pierre-Claver Ganou a consulté à ses frais un avocat afin de trouver une solution à son gouffre financier. «Il m’a dit que c’était compliqué. Les gouvernements ne veulent pas se prononcer sur la question, mais moi je me retrouve sans moyens. Je n’ai pas assez d’argent ni pour rester ni pour repartir», avoue-t-il, désemparé.
 
Des 2 500 étudiants étrangers de l’UQAM, une partie vienne de pays africains aux prises avec une guerre civile ou à des soulèvements massifs. Le printemps arabe qui perturbe les gouvernements du Maghreb et du Proche-Orient a notamment rendu difficile la vie des 171 étudiants étrangers tunisiens de l’UQAM. «On est stressé, on a surtout peur de ne pas pouvoir payer le loyer», avoue la Tunisienne d’origine, Myriam Lemji, étudiante à la maîtrise en science politique. La jeune femme se compte tout de même chanceuse. Ses frais de scolarité sont passés de 6 000 à 1 400 $ par session depuis qu’elle est devenue résidente canadienne. «Je ne suis pas dans la pire des situations. Je sais que bien d’autres étudiants tunisiens vivent une situation bien plus difficile», concède-t-elle. Selon Myriam Lemji, les Tunisiens devraient davantage se regrouper afin d’exposer leurs problèmes. «Les Tunisiens sont nombreux à Montréal, mais ils ne forment pas une communauté aussi unie et importante que celle des Haïtiens, par exemple », expose l’étudiante qui en est à sa cinquième année à l’UQAM.
 
Pierre-Claver ne réclame pas un traitement semblable à celui des étudiants haïtiens lors de la session hiver 2010. «Je ne demande pas à ce qu’on exonère mes frais de scolarité. Mais si je pouvais payer le même prix que les résidents canadiens, je pourrais m’en sortir», affirme-t-il. Après le tremblement de terre en Haïti, le ministère de l’Éducation du Loisir et du Sport (MELS) a exempté 134 étudiants haïtiens de leurs frais de scolarité universitaire, dont une quarantaine à l’Université du peuple. L’UQAM a organisé de son côté une levée de fonds en coalition avec Oxfam-Québec et Études sans frontière dans le but de répondre aux besoins de subsistance de leurs étudiants haïtiens. «Ils ont mérité cette aide», maintient Hélène Durand-Nadeau, conseillère à la vie étudiante au Service des relations internationales de l’UQAM. Selon elle, un mouvement de solidarité de l’ensemble de la province a appuyé les Haïtiens puisqu’il s’agissait d’une catastrophe exceptionnelle. «La Tunisie et la Côte d’Ivoire sont aux prises avec des conflits politiques, ce qui rend la comparaison avec la catastrophe naturelle en Haïti impossible», affirme-t-elle. La conseillère prévient toutefois que l’UQAM offre des crédits aux étudiants dans le besoin. À l’aide de trois relevés bancaires, les étudiants doivent prouver la cessation de virements de fonds provenant de leurs familles à l’étranger. 
 
À l’instar de l’Université, le MELS ne considère pas la possibilité d’offrir une aide financière aux étudiants étrangers. «En acceptant de financer des mesures pour ces deux pays [la Tunisie et la Côte d’Ivoire], le MELS créerait un précédent qui pourrait se traduire par de nouvelles demandes. Le contexte budgétaire actuel ne permettrait pas de répondre à l’ensemble de ces demandes», soutient la porte-parole du MELS, Esther Chouinard.
L’inaction du MELS ne fait pas l’unanimité dans les universités québécoises. Selon Aymen Jendoubi, le président de l’Association scientifique tunisienne de l’Université de Laval (ASTUL), l’Université de la Vieille capitale a accordé des privilèges à ses étudiants étrangers tunisiens. «Certains étudiants ont eu droit à un mois de plus pour payer leurs frais. Ceux à la maîtrise et au doctorat peuvent de plus recevoir des bourses d’études de la part de l’Université», affirme-t-il.
 
L’Ivoirien Pierre-Claver Ganou attend une réponse de l’UQAM. Pour le moment, il ne sait pas à quel saint se vouer. Il confie avoir pensé au recours des pancartes et des pétitions, mais l’idée lui semble impossible. Il déplore le manque de solidarité de ses confrères étrangers. «Ils ont peur de manifester, admet-il. Ils croient que les Québécois nous jugeraient comme des profiteurs. Chacun cherche à sortir sa tête de l’eau au lieu de s’aider à s’en sortir tous ensemble». 

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