Le cadre de la discorde

Les doyens changent de statut

Le Syndicat des professeurs et l’UQAM ont débattu cet été devant les tribunaux de la modification du statut des doyens. Le juge a tranché: les doyens occupent maintenant un poste de cadre. Loin de provoquer l’amnistie, cette décision creuse plutôt le fossé entre les deux camps.

La Commission des relations de travail (CRT) s’est prononcée le 13 octobre dernier en faveur de l’UQAM dans le litige qui l’oppose au Syndicat des professeurs (SPUQ) sur la désyndicalisation du poste de doyen. Selon le commissaire Alain Turcotte, les dirigeants de faculté exercent des tâches et possèdent des responsabilités qui exigent que le statut du poste passe de syndiqué à cadre. Si l’UQAM compte bien tourner la page sur ce dossier qui stagne depuis des années, le Syndicat persiste et prévoit porter le jugement en appel.

La modification de statut des doyens est un point litigieux entre les deux parties depuis que le processus de création des facultés a été entamé en 1998. Un changement anodin? Pas pour le syndicat qui croit que des doyens-cadres modifieraient la manière de gérer les facultés et diminueraient la représentativité des étudiants et des employés. Le conflit s’est envenimé en mars dernier lorsque l’UQAM a unilatéralement mis fin aux travaux du Comité d’étude sur le statut des doyens. Celui-ci n’a pu produire de rapport, comme l’exigeait la convention collective du SPUQ. L’Université a ensuite déposé une requête à la CRT, exigeant le retrait du poste de doyen du syndicat.

Selon le vice-recteur à la vie académique, Robert Proulx, le jugement de la Commission confirme les certitudes de la direction. Le changement de statut améliorerait la capacité des doyens de mettre en œuvre les demandes de leur faculté. Ils réaliseront plus facilement les mandements de leur Conseil académique facultaire (CAF), croit-il. «Avant, le fait d’avoir des facultés isolées du vice-rectorat posait une certaine distance entre les deux. Ça pouvait faire que des décisions prises collégialement par la base ne trouvaient aucune suite.» Le CAF est une instance formée par les étudiants, les professeurs, les chargés de cours et les employés. Elle se prononce sur tout ce qui concerne la faculté. Les doyens ont la responsabilité de représenter le CAF et de réaliser les mandats qui y sont votés.  

Le poste de doyen ne sera pas ouvert à des professeurs de l’extérieur de l’UQAM ou qui n’exercent pas le métier, précise la doyenne de l’École des sciences de la gestion, Ginette Legault. «Ça a été dit et redit et écrit à plusieurs reprises, martèle-t-elle. Les doyens sont issus du corps professoral et redevables envers leur Conseil académique facultaire. Il n’a jamais été question de changer ça. C’est une règle d’or. Les doyens sont d’abord des professeurs. Et ils le seront tous dans l’âme jusqu’à la fin de leurs jours.»
Le troisième vice-président du SPUQ, Jean-Marie Lafortune, croit plutôt que la désyndicalisation du poste de doyen implique un déséquilibre au sein des instances de l’UQAM. «Des doyens à la fois représentants de l’employeur et représentants des membres de la faculté qui les ont élus, ce n’est pas possible», affirme-t-il. Il craint aussi que l’UQAM veuille désyndicaliser les postes de vice-doyens et de directeurs de faculté. Une inquiétude que le vice-recteur à la vie académique, Robert Proulx, juge non fondée. «Le juge a statué que les doyens devaient être retirés de l’unité d’accréditation pour la durée de leur mandat. Quels seront les impacts sur une restructuration éventuelle? Pour l’instant, il n’a été question que des doyens.»

Retour dans le passé

Dans le document qu’il a déposé le 13 octobre dernier, le juge Alain Turcotte s’appuie notamment sur l’historique syndical de l’UQAM pour démontrer que les doyens n’auraient jamais dû être représentés par le SPUQ. En effet, une décision du Tribunal du travail stipulait en 1971 que le Syndicat des professeurs représentait «tous les professeurs à plein temps et à mi-temps à l’exception de ceux rémunérés sur une base horaire et forfaitaire et des doyens». Ce libellé, selon l’article 212 du jugement, «n’a pas été consigné correctement dans le dossier d’accréditation du SPUQ». Par conséquent, le fait que les doyens soient représentés par le syndicat est une erreur qui persiste depuis 39 ans. Pour le troisième vice-président du syndicat, Jean-Marie Lafortune, le juge va bien plus loin que la direction le souhaitait. «On comprend son empressement à corriger les erreurs historiques, explique-t-il. Le juge erre, juridiquement parlant, puisqu’il assoit sa décision sur une ambiguïté.» En effet, selon Jean-Marie Lafortune, le poste de doyen avant la formation des facultés en 1998 correspondait à un poste de vice-recteur. Depuis 1998, les tâches de doyens et de vice-recteurs sont clairement séparées. À son avis, cette confusion offre la possibilité de contester la décision. «Le juge a voulu corriger une situation qui n’était pas l’objet de la requête. Son jugement est hors de propos.» Le SPUQ demandera une révision du jugement à la CRT. Si la demande est acceptée, trois commissaires se pencheront sur la décision du juge Alain Turcotte. La cause pourrait être entendue en janvier 2011. Si elle est refusée, le SPUQ pourrait porter la cause devant la Cour supérieure du Québec. 

En plus de l’appel du jugement, le Syndicat des professeurs place ses espoirs dans l’arbitrage d’un grief qu’il a déposé à la suite de la dissolution du Comité d’étude sur les doyens. Ce grief stipule que l’Université a agi illégalement en mettant un terme à ses travaux. Une décision en faveur du syndicat pourrait obliger l’UQAM à tout reprendre à zéro. Après avoir rencontré les deux parties en octobre, l’arbitre doit entendre les plaidoyers des avocats au début de l’année 2011. Le SPUQ va aussi de l’avant avec la tenue de deux plénières durant lesquelles les professeurs débattront des rôles, responsabilités et pouvoirs des doyens. Par la suite, une Assemblée générale se tiendra le 13 décembre afin que les membres se prononcent clairement sur la question.

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